Mon enseignement

Conférence prononcée à Lisbonne dans le cadre du festival MONSTRA 2016

Mes activités, en tant qu’enseignant, se déroulent essentiellement en France.

Mon enseignement ne se limite pas à ce qu’il est convenu d’appeler « le cinéma d’animation ».
Ce que j’enseigne est destiné aux étudiants qui souhaitent intégrer l’industrie, mais pas seulement. Il est aussi consacré à tous ceux qui voudraient utiliser le mouvement illusoire en tant que forme d’art.
Ce type de mouvement nous fait croire que des points et des lignes (selon le concept de Kandinsky) se déplacent, évoluent, se transforment et se modifient sur le plan.
J’enseigne aussi, d’une manière particulièrement expérimentale, la narration et l’analyse.

Mon enseignement du mouvement est donc destiné prioritairement à ceux qui souhaitent pratiquer cet art de manière différente, destinés à des espaces et à des lieux autres que les salles de cinéma.

Ma méthode pédagogique, qui conjugue différents domaines, se divise en quatre phases et peu être décrite succinctement de la manière suivante :

Première phase

Étant donné que l’illusion du mouvement relève des sciences cognitives, je commence par expliquer aux étudiants les phénomènes de la perception visuelle qui nous font croire que les images « bougent » sur les écrans.
Ce point est fondamental, car sur les écrans rien ne bouge.
Les images « bougent » dans le cerveau.

Les créateurs d’illusions jouent donc avec la perception.
Afin que les étudiants comprennent la dimension ludique de la création de mouvements, je leur fais découvrir l’espace perceptif qui est constitué d’unités soumises à des règles et à des conditions bien précises de stimulation.
De l’ensemble des principaux facteurs d’unification du champ perceptif, je ne retins que trois ; le facteur de proximité, le facteur de ressemblance et le facteur de continuité de direction.

Ces trois facteurs d’unification du champ perceptif une fois expliqués et démontrés vont devenir pour les étudiants, ainsi que pour tous ceux qui veulent créer ce type d’illusions, les trois principaux outils avec lesquels on peut composer ou écrire le mouvement.

Pour expliquer comment composer ou écrire le mouvement, je me dois de décrire également le processus qui permet de donner aux images une apparence de vie.
Mais avant cela, je dois aborder la partie de mon enseignement consacrée à l’analyse des images.

Deuxième phase

Cette partie est particulièrement difficile à transmettre parce que les étudiants, comme la plupart des gens, n’entretiennent pas avec des images des rapports rationnels.
Sauf quelques rares exceptions, les rapports des étudiants aux images sont de nature affective et émotionnelle
.
La phrase inscrite sur le tableau de René Magritte « ceci n’est pas une pipe », n’a pas encore été comprise, et encore moins assimilée, par la plupart des jeunes gens à qui j’enseigne. Par ailleurs, bon nombre d’entre eux n’ont jamais entendu parler de René Magritte.

Ce type de comportement envers les images rend donc difficile la pratique d’analyse surtout selon la méthode des trois espaces.
En quoi consiste-t-elle ?
Elle consiste dans la décomposition de l’espace en trois segments :

L’espace relationnel – l’espace de la représentation – et l’espace imaginaire.

L’espace relationnel est l’espace où l’observateur se situe par rapport à l’image.
L’espace de représentation est le plan sur lequel l’image est représentée.
L’espace imaginaire est l’espace que l’image ouvre parfois à l’observateur et qui lui fait croire qu’un hors champ existe.

Cette méthode sert à faire prendre conscience aux étudiants que depuis plus de 35 000 ans les images se présentent à nous sous différents supports, sous différents formats, proportions et échelles et que ce fait implique que l’observateur se situe à un point déterminé de l’espace et à une certaine distance pour pouvoir les percevoir d’abord et, ensuite, les contempler et éventuellement jouir de leur contenu.

Cette méthode sert également à faire comprendre aux étudiants que l’image représentée sur le plan n’est que le résultat d’un nombre déterminé d’éléments organisés selon une certaine stratégie esthétique qui ont parfois le pouvoir de faire entrer l’observateur dans l’image et de le transporter au-delà de l’espace de représentation.

Troisième phase

La description du processus qui permet de composer ou d’écrire le mouvement vient donc après différents exercices d’analyse réalisés selon la méthode dite «des trois espaces».
Après cela, je peux alors leur dire que pour créer l’illusion de mouvement il faut qu’il y ait succession d’images et pour que les images puissent se succéder il faut un dispositif approprié.

Le meilleur de tous les dispositifs pour apprendre à « écrire » le mouvement est le cahier ou le livre animé.
Il impose une simplification des formes qui plonge immédiatement l’étudiant dans la problématique du mouvement au lieu de le perdre dans ceux de la représentation graphique.

Le meilleur de tous les dispositifs pour apprendre à « composer » le mouvement est sans aucun doute les feuilles volantes de papier (perforées ou pas) et la table lumineuse qui permet de totaliser les phases des différents segments d’un mouvement illusoire.

À partir de tous ces éléments, on peut élaborer une syntaxe du mouvement, constituée par : le choix des trajectoires, la méthode du placement des phases du mouvement le long des trajectoires, la segmentation dynamique du mouvement, l’attribution des durées, la direction du mouvement des phases, les relations entre les phases, les échelles dynamiques propres à chaque segment.

Tout ceci conduit les étudiants à penser en termes de mouvement avant de tracer ou de dessiner quoi que ce soit.
Bien entendu, il est difficile pour ceux qui débutent de comprendre qu’il faut imaginer le mouvement avant toutes choses. Pourtant, ce qu’ils seront conduits à dessiner dépendra uniquement des choix pris dans ce sens.

Quatrième phase

En dernier lieu, j’insiste auprès des étudiants sur le fait que le mouvement qu’ils veulent créer est un faux mouvement, un artefact dont les effets doivent être imaginés, pensés, élaborés et construits selon les règles ludiques de l’art et non pas selon celles de la nature, définie par les sciences.

Le mouvement écrit ou composé est une illusion qui ne relève pas de la mécanique, de la cinétique ou de la physique. Se situant au-delà de cette dernière, il peut même être considéré comme étant un objet métaphysique.

Je crois avoir assez dit pour que vous vous fassiez une idée sur mon enseignement.

José-Manuel Xavier
2016

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s