LUI et MOI

1
Quand je vivais à Montpellier, chaque fois que Fernando m’apparaissait, il se comportait comme un véritable casse-pieds.
Toujours mécontent, il se plaignait en permanence de la chaleur et du soleil.
– Vous avez un sacré toupet Fernando, voilà un homme qui est né dans le pays le plus ensoleillé d’Europe et qui se plaint du trop-plein de soleil du sud de la France.
– Ce n’est pas la même chose José, me répondit-il, ici, il me manque la fraîcheur du Tage.
– Mettez-vous à l’aise mon ami, et au lieu de traîner toujours partout fourré dans votre costume de croque-mort et d’étrangler votre gorge avec un noeud papillon, enfilez plutôt une de mes chemises à fleurs, chaussez une paire de sandales et vous verrez, vous vous sentirez beaucoup mieux.
Peine perdue, la seule chose qu’il ait acceptée fut de mettre une paire de lunettes de soleil sur le nez.
Je dois toutefois avouer que les lunettes lui donnaient un air terriblement inamical.
Depuis qu’il me rend visite à Argenton-sur-Creuse, il s’améliore.
Cependant, il ne cesse de bougonner à cause du gazouillement des oiseaux.
– Vous auriez peut-être préféré les lointains aboiements des chiens de Lisbonne ?…
– Peut-être bien… m’a-t-il répondu avec cet air mélancolique de Bernardo des mauvais jours.
Définitivement, Fernando n’est pas un homme bucolique, même quand il échange sa manière de regarder la nature contre celle d’Alberto.
Comme eux, moi aussi je ne comprends pas grand-chose aux choses de la nature.
Mes connaissances en la matière me permettent à peine de distinguer un sapin d’un cyprès.
Fernando, très savant en tout et grand maître de diverses théories, se met parfois à m’expliquer (comme si j’étais entouré d’un comité d’auditeurs) les innombrables singularités de tout ce qui traîne sur notre terrasse, mais aussitôt que deux ou trois oiseaux surgissent (ils viennent manger les graines et les miettes que ma douce et tendre leur réserve), Fernando disparaît et ne se manifeste à nouveau que quand je suis en train de réfléchir devant mon ordinateur.
– Si j’avais eu jadis un machin comme comme le vôtre, me dit-il d’un air rêveur, j’aurais écrit encore davantage…
– Pour l’amour du Ciel, Fernando! Avec votre vieille machine à écrire et votre stylo, vous donnez déjà tellement de fil à retordre à des légions de spécialistes, qu’est-ce que ça aurait été si vous aviez écrit davantage ?

2
Hier, quand j’étais en train de suivre à la télé les résultats des élections, Fernando m’a interrompu pour me demander :
– José, auriez-vous un petit morceau de papier à me prêter ?
– Prenez, je vous en prie, autant de papier que vous voulez dans l’armoire qui se trouve placée juste derrière vous (et, parce que je connais ses manies, j’ai ajouté) :
– Il y a aussi des enveloppes.
Fernando s’est levé, prit une feuille de papier et est retourné s’asseoir au bout du canapé comme un petit garçon sage.
Quand je me suis retourné à nouveau vers la téléviseur, feignant de ne m’intéresser qu’au décompte des voix, j’ai gardé discrètement un oeil sur lui.
C’est qu’il faisait des choses très intrigantes.
Il mettait les doigts dans sa bouche pour y retirer des mots qu’il collait sur la feuille de papier comme des timbres-poste.
– La gauche a gagné, lui ai-je dit au bout d’un moment en me retournant vers lui.
Fernando, la main en l’air, le geste suspendu, avec le mot « mélodie » coincé entre ses doigts qui oscillait régulièrement comme un métronome, m’a alors demandé :
– Et que résulte de tout cela ?
– Rien, ai-je répondu.
– Dans ce cas…
Fernando retourna à son affaire, remit le mot « mélodie » dans sa bouche, le mâchouilla un peu et ressortit un autre qu’il colla soigneusement sur la feuille de papier qu’il m’avait pris.
Ainsi s’est déroulée la soirée électorale.

3
C’est curieux, quand je raconte parfois ma relation avec Fernando, les personnes qui m’écoutent me regardent comme si j’étais souffrant.
Peu nombreux sont celles et ceux qui, mis à part les bêtises habituelles, me questionnent sur sa voix, par exemple.
– Ne dites jamais à personne comment est ma voix. Jurez-le-moi sur la tête de votre mère.
– Fernando, calmez-vous, laissez la tête de ma mère en paix et soyez tranquille. Je vous promets de ne jamais révéler à qui que ce soit notre secret.
– Ah ! Parce nous avons un secret ?
– Bien sûr que oui…
– Et quel est ce secret ?
– Que nous parlons l’un avec l’autre silencieusement !
Fernando s’est renversé dans sa chaise, a allumé une de ses misérables cigarettes « Definitives », et, après avoir imprimé une légère secousse à sa moustache triangulaire, m’a esquissé un sourire.

4
L’intérêt que Fernando porte à mes instruments de travail est indubitable.
Il y a quelques jours, sans que je m’en aperçoive, il surgit à mes côtés et, après avoir observé minutieusement tous mes crayons et pinceaux, il me dit :
– Qu’est-ce que vous êtes en train de faire, José ?
– Je suis en train d’animer.
– Ah ! Je croyais que vous dessiniez.
Je lui ai expliqué alors que pour pouvoir créer le mouvement qui animera l’image, je dois dessiner les figures au fur et à mesure.
– Racontez-moi ça en détail ?
– Je ne sais si j’y arriverais, Fernando, mais je dirais ceci, ce que je dessine est ce l’on verra et le mouvement que j’imprime à ce que je dessine est ce que l’on sentira.
– Je peux essayer ? m’a-t-il demandé plein d’enthousiasme.
– Avec plaisir, voici du papier et un porte-mine.
– José, m’a-t-il dit avec cet air grave qui convenait si bien aux photographes de son époque, si cela ne vous dérange pas je préférais un crayon à l’ancienne.
– Les crayons, Fernando, ne sont ni anciens ni modernes, les crayons sont, et en voici un de ceux que vous aimez.
Fernando a placé ses lunettes au-dessus de ses sourcils et, en tant que grand myope qu’il est, a inspecté de très près et minutieusement la pointe du crayon.
– De quelle manière taillez-vous vos crayons, José ?
– À l’ancienne, Fernando, à l’ancienne, avec un canif bien affûté.
Pour ne pas le gêner, je l’ai laissé seul et je suis allé dans la cuisine me procurer une gourmandise dans le frigo et préparer le dîner. Une heure après, quand je suis retourné dans l’atelier, Fernando avait réalisé, à l’improviste, une animation éblouissante qu’un jour, peut-être, je finirais par montrer aux autres.

5
Le temps était fuligineux.
Au travers de la porte vitrée de la cuisine, je voyais Fernando en train d’arpenter la terrasse et de parler tout seul. J’avais décidé de faire un tajine de poulet avec des dattes pour le déjeuner.
J’étais là, occupé à séparer les pilons des arrières-cuisses quand tout à coup, je découvre Fernando, éternel joueur, faisant des grimaces derrière la vitre pour m’amuser.
En un clin d’oeil, il imita tous les rois du Portugal.
Quand ma divine compagne a débarqué dans la cuisine, je riais encore.
Le tajine exigeant quatre heures de cuisson à feux doux, j’ai rejoint Fernando sur la terrasse pour bavarder avec lui. Je l’ai trouvé affalé dans le fauteuil en osier, en train de fumer et de regarder vers le dedans.
Je l’ai informé que le déjeuner est en train de se faire.
– Nous aussi, m’a-t-il répondu.

6
Parfois, je pense que Fernando ne se sent pas bien chez nous à cause de la grande taille de notre maison.
Les personnes comme lui, dotées d’un espace intérieur immense vivant souvent dans des lieux étriqués, je me demande, parfois, s’il est sain d’admirer une oeuvre construite sur les ruines de frustrations successives.
– José, m’a-t-il dit devinant ainsi ma pensée, une personne totalement heureuse ne laisse derrière elle aucune oeuvre. Elle se contente de vivre et ainsi soit-il.
– Mais… n’est-ce pas vous, Fernando, qui avez dit un jour ?…
– José, arrêtez. Ne tombez pas dans le piège qui consiste à répéter comme un perroquet ce que j’ai dit ou écrit. Laissez ça à d’autres…
J’ai fermé mon bec et lui, après un bref silence, a ajouté avec un air lointain :
– À la fin, j’ai dit tant de choses. Pourquoi ?
Malgré l’impétueuse volonté de lui répondre qui enflait mon gosier, je ne pipais mot.
– Et vous, José, avez-vous dessiné aujourd’hui ?
– Oui, je vous ai dessiné, Fernando, avec un air rigolo, en train de voyager dans un tramway.
– Montrez-moi ça ! a t-il presque crié.
Je lui ai montré.
– Le tramway ressemble mieux à un tramway que moi à moi-même.
Ensuite, il m’a regardé intensément et a ajouté en souriant :
– Mais, à bien vous regarder, José, vous ne ressemblez pas non plus à vous-même.

7
Conversation nocturne sur la terrasse :
– José, vous êtes un fouinard.
– Pourquoi dites-vous ça, Fernando ?
– Parce que vous aimez à mettre le nez dans les manuscrits des autres. Vous ne devriez pas, ce sont des choses intimes.
– C’est vrai, mais quel mal y a-t-il à ça ?
– Cela dépend des intentions…
– Allez, Fernando, ne faites pas le sibyllin. Définissez, s’il vous plaît, ce que vous entendez par bonnes et mauvaises intentions.
– La mauvaise intention consiste à vouloir comprendre ce qui est derrière. La bonne, à comprendre ce qui est, ce qui demeure à la surface.
Constatant l’étouffement que ses paroles avaient provoqué en moi, Fernando me demanda :
– Vous n’êtes pas d’accord avec moi ?
– Moi oui, mais cela va contrarier beaucoup de gens.
– Et cela est grave ?
Voyant que je ne répondais pas, il insista :
– Allez, répondez…
– Je ne sais pas.
– Alors si vous ne savez pas répondre nous allons pouvoir continuer à contempler l’arrivée des étoiles en silence.

8
Quand je suis arrivé dans mon atelier, j’ai retrouvé Fernando accroupi, en train de lire les titres des livres rangés dans les étagères. Dès qu’il m’aperçut, il me demanda :
– Vous avez lu tout ça ?
– Non, j’en suis loin.
– Alors pourquoi achetez-vous tant de livres ?
Je lui ai expliqué qu’acheter des livres était devenu une manie comme tant d’autres.
Entre-temps, il s’était approché de mes centaines de disques tous très bien rangés par ordre alphabétique.
– Et vous avez entendu tout cela ? a-t-il demandé.
– Tout.
– Alors, vous écoutez plus de musique que vous ne lisez de livres.
J’ai opiné du bonnet pour lui dire que oui et j’ai ajouté :
– Et dans mon ordinateur ainsi que dans mon téléphone j’en ai plus encore.
– Et c’est quoi cette chose qui ressemble à une boîte à chapeaux ?
– C’est un praxinoscope, lui ai-je répondu en enlevant le couvercle de l’appareil, un jeu optique qui sert à regarder des dessins animés.
– Ah ! Je connais, c’est une machine merveilleuse. J’ai toujours rêvé d’en avoir une.
– Savez-vous, Fernando que j’ai fait exprès pour ce praxinoscope une bande d’animation où l’on vous voit en train de sauter.
– Vous m’en direz tant ! Montrez-la-moi ?
J’ai placé la bande dans le praxinoscope et je l’ai fait tourner. Fernando, tel un enfant fasciné par la nouveauté d’un jouet, contempla sa silhouette dessinée en train de sautiller en boucle jusqu’à ce que le cylindre de l’appareil s’arrête de tourner. À la fin, il s’est retourné vers moi et dit avec un léger sourire :
– Celui-ci, oui, il me ressemble vraiment.

9
Je ne sais pas si vous le savez, lui disais-je en même temps que j’épluchais une pomme, que des centaines de gens étudient votre oeuvre et que certains prétendent même savoir ce que vous pensiez et ce que vous sentiez.
– Je ne suis pas au courant, m’a répondu Fernando qui n’avait pas encore terminé sa purée de pommes de terre.
– Ceci répond peut-être à la question que vous avez formulée l’autre jour…
– Quelle question ?
– « À la fin, j’ai dit tant de choses. Pourquoi ? » vous ne vous en souvenez plus ?
– Dites, José, si j’avais le pouvoir de garder dans ma mémoire toutes les paroles que j’ai prononcées, et que je prononce encore au hasard d’un inédit, je n’aurais pas écrit autant, vous ne croyez pas ? Vous vous souvenez de toutes les images que vous avez dessinées, vous ?
– Non, justement, je les ai dessinées pour ne pas les oublier.
– Et moi j’ai fait la même chose, mais, dites-moi avant que je ne commence a éplucher cette magnifique pomme, quelle est votre réponse à vous à mon interrogation ?
– Je crois que cela sert à désigner le temps sur le territoire du papier.
– Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais si vous permettez, je vais d’abord manger la pomme avant d’ajouter un détail à ce que vous venez de dire.
Fernando a mangé le fruit, après il a voulu goûter au Wladimir, qui est une délicieuse spécialité de la pâtisserie argentonnaise, puis on est arrivé au café et, sans que nous ne nous en rendions compte, le temps passa, et toutes les réponses se sont diluées dans le plaisir d’être ensemble.

10
Je lisais « J’écris ce qui me chante », un recueil de textes de Francis Poulenc quand, en voyant Fernando empêtré dans une affaire de monocle qu’il n’arrivait pas à coincer entre sa joue et son arcade sourcilière, j’eus soudain l’envie irrépressible de lui demander :
– Fernando, aimez-vous être cité ?
– Non, je déteste, m’a-t-il répondu promptement, le monocle à l’oeil, faisant semblant d’être un autre.
– Savez-vous, Fernando, qu’avec votre monocle, vous ressemblez plutôt au compositeur Arthur Lourié qu’à votre ami Álvaro ?
Fernando s’est refermé comme une huître, et, bougon, ne m’a pas répondu. Plus tard, à la tombée de la nuit, il revint, cette fois-ci avec ses lunettes, pour me demander :
– Que pensez-vous, José, des déguisements ?
J’avoue que sa question m’a complètement bloqué l’esprit. Quand je m’en suis remis, Fernando avait disparu. Contrarié, j’ai passé le reste de la soirée entière à ruminer à toutes sortes de déguisements. Il était déjà très tard quand je suis monté à l’atelier pour aller éteindre les ordinateurs comme je le fais chaque soir avant de me coucher.
J’ai découvert Fernando assis à ma place de lecture, en train de regarder un livre ouvert sur ses genoux. En m’approchant, je me suis rendu compte que le livre en question était une photobiographie de lui. Au bout d’un long moment d’éternité, Fernando s’est retourné vers moi et m’a demandé :
– C’est qui est ce type ?
Au lieu de lui répondre, j’ai refermé le livre et je l’ai replacé dans les étagères. Ensuite, je lui ai dit :
– Fernando, laissez tomber ! Ça suffit pour aujourd’hui. Ce bouquin n’a pas été fait pour vous, mais pour vos fidèles qui croient que votre image ainsi que les péripéties de votre vie expliquent un tant soit peu votre génie, or il n’y a là qu’un grand fatras d’illusions en noir et blanc.
– Il est tard à présent, allons plutôt dormir.

11
Fernando, l’air grave des mauvais jours, s’est assis à côté de moi pour me dire :
– J’en ai marre.
Je fus surpris par sa manière d’exprimer son mécontentement.
Depuis qu’il me rend visite, il m’a habitué à un langage moins familier.
– « J’en ai assez » aurait été plus en accord avec l’idée que je me fais de sa personnalité, mais il se peut qu’il ait mal traduit le « estou farto » entendu dans sa tête.
– Vous en avez assez de quoi, Fernando ? – lui ai-je dit en le regardant droit dans ses lunettes.
– Que les gens s’intéressent plus à moi et à mes autres qu’aux mots que j’ai écrits.
Sentant la mélancolie s’approcher au galop, je me suis empressé de lui rétorquer :
– N’en faites aucun cas, ça arrive à tous les grands créateurs. C’est qu’il est plus facile de parler de vous en tant qu’être humain que de disserter correctement sur votre génie.
– Vous me permettez que j’allume une cigarette ? – m’a-t-il répondu ?
– Bien entendu, vous êtes ici dans mon atelier où tout vous est permis.
Rien ne pouvant échapper à son regard myope, Fernando a aussitôt remarqué le livre volumineux posé sur le guéridon situé entre son fauteuil et le mien.
– Qu’est-ce qui vous plaît là-dedans ?
J’ai saisi le gros livre, je l’ai ouvert à la page signalée par le plus laid des marque-pages qui m’a été offert par une étudiante chinoise et je lui ai lu ces quelques mots :

Não combati: ninguém mo mereceu
A natureza e depois a arte, amei.
As mãos à chama que me a vida deu
Aqueci: Ela cessa. Cessarei.

– Comment le traduiriez-vous ?
– Je ne le traduirai pas.
– Et pourquoi ?
– Allumez une autre cigarette, je vais vous l’expliquer.
– L’autre jour, emporté dans les songes par une phrase de vous « As vezes ouço passar o vento; e só de ouvir o vento passar, vale a pena ter nascido », j’avais commencé à écrire un texte qui, comme, à mon habitude n’avait rien à voir avec le vent ni avec le fait circonstanciel d’être né. J’avais l’intention de donner à ce texte le titre de :

Propósitos de um ignorante sobre a ignorância

Existem, latentes no ser humano, duas espécies de ignorância, a ignorância involuntária e a ignorância voluntária.
A primeira pode ser eventualmente corrigida, quanto à segunda, jamais.
Se a ignorância involuntária faz parte da inocência do não saber ainda, a voluntária faz parte integrante da perversidade do não querer…
Tout à coup, je me suis arrêté…
Comment expliquer ce piège de ma pensée ? Pourquoi m’étais-je mis à écrire en portugais sans que personne ne me l’ait demandé ? D’autant que le portugais n’est plus «ma» langue depuis longtemps.
«Ma» langue est désormais le français.
J’ai donc recommencé…

«As vezes ouço passar o vento; e só de ouvir o vento passar, vale a pena ter nascido»

Propos sur l’ignorance par un ignorant

Il existe chez tous les êtres humains deux espèces d’ignorance, l’ignorance involontaire et l’ignorance volontaire.
La première peut éventuellement être éradiquée, mais la seconde jamais.
Si l’ignorance involontaire fait partie de l’innocence, du ne pas savoir encore, la volontaire fait partie, à coup sûr, de la perversion qui consiste à ne pas vouloir savoir.
Le lecteur occasionnel de ce texte se demandera, peut-être, pourquoi je ne traduis pas la citation de mon ami Fernando qui ouvre mes propos. La raison en est simple, j’estime qu’on ne doit pas traduire la poésie.
Ceux qui veulent lire sa poésie n’ont qu’apprendre le portugais.
Moi-même, j’ai dû apprendre le français pour pouvoir lire ses poètes dans le texte et je n’en suis pas mort.
De derrière une épaisse volute de fumée, Fernando m’a alors demandé :
– José, voulez-vous me faire plaisir ?
– Ça va de soi.
– Alors, comment traduiriez-vous ce poème ?

Je n’ai pas combattu : personne ne me l’a mérité
La nature et puis l’art, j’ai aimé.
Les mains à la flamme que la vie m’a donnée
J’ai chauffé : elle cesse. Je cesserai.

Fernando écrasa son mégot de cigarette dans le joli cendrier que j’avais mis à sa disposition et me dit avec ce sourire dont seuls lui et moi connaissons le sens :
– Vous aviez raison, José, en portugais c’est bien mieux.

José-Manuel Barata Xavier