À propos des livres

Depuis 2018, j’ai une chaîne sur YouTube.
J’y dépose exclusivement les choses auxquelles je tiens et que personne ne m’a demandées.
Depuis, 14. 938 personnes les ont vues, mais les statistiques me disent que le temps de visionnage de chacune de mes œuvres fait moins de la moitié de leur durée.
Étant donné que nous vivons une époque de clics névrotiques, que faire ?
Rien.
Je ne veux obliger personne à regarder mes choses jusqu’au bout.
Sur ma chaîne, il y a un lien qui conduit à mon site wordpress, qui s’appelle lemouvementdeschoses où j’édite les textes que j’écris (en français et en portugais) sur le mouvement.
Là, il y a beaucoup moins de visiteurs. La raison est simple, tout le monde ne lit ni le français ni le portugais, et puis lire, ça donne beaucoup de travail.
Les gens savent-ils que lire est indispensable ? Que lire est le meilleur moyen d’empêcher le vieillissement du cerveau ?
Non, les gens ne le savent pas.
Que dis-je ?
Les gens ne veulent pas le savoir, sinon ils cesseraient tous d’écouter des audiobooks.
Les êtres humains, je veux dire, les hommes, aiment à négliger et à détruire le beau et le bien pour les remplacer par le mauvais et le moche. C’est ainsi.
Peut-on éviter cela ?
Non.
Que faire alors ?
Rien.
Si je continuais à écrire ce texte, ce que je fais d’ailleurs, et à tenir ce genre de propos, l’improbable lecteur, auquel je ne m’adresse pas, se rendrait compte que le mot « rien » se répéterait jusqu’à ce que mon stylo n’ait plus d’encre, ce qui est un mensonge, puisque je l’écris, ce texte, avec un ordinateur.
Bien que je ne sois ni chinois ni taoïste, je suis adepte du « non-agir ».
Pourquoi ?
Parce que ça ne sert à rien d’agir.
Mes semblables, je parle des hommes, des mâles bien entendu, sont engagés depuis longtemps dans un terrible processus de destruction de tout, de l’air, de l’eau, des espèces, des femmes, qu’ils détestent plus que tout au monde, et d’eux-mêmes.
Est-il possible de les arrêter ?
Non.
Non ?
Non !
Pourrait-on au moins formuler quelques hypothèses ?
Oui, mais elles ne serviront à rien. D’autres, jadis, ont tenté de semer la bonne parole. Qu’en reste-t-il ? Des phrases muettes dans des livres ignorés que personne ne lit.
J’avais autrefois un ami érudit à Lisbonne.
Chez lui, tous les murs étaient couverts d’étagères remplies de livres du sol au plafond.
Chaque fois que je parcourais le long couloir sombre qui partageait l’appartement en deux, j’entendais les livres me murmurer des choses, ceux que j’avais lus des mots dont je me souvenais, les autres, dont j’ignorais tout, me faisaient de doux reproches.
Dans mon cerveau d’homme, j’ai longtemps considéré que les livres que j’ai lus avaient été écrits pour moi et que ceux que je n’avais jamais ouverts avaient été écrits pour les autres.
Cette manière de penser en dit long sur le système cognitif de beaucoup de mâles.
Mon ami érudit avait beau avoir des livres jusqu’au plafond, il n’en était pas moins binaire.
J’ai appris à nuancer ma pensée non pas en lisant des tas de livres, mais en lisant, le mieux que je peux, les mots d’un texte.
Afin de le comprendre ?
Pas du tout.
Afin de sentir, au travers de leur présence, ce qui est absent.
C’est par cette raison que peu de gens lisent mes textes et que plus de 14.938 personnes ont préféré regarder, même un court instant, mes images en mouvement sans toutefois s’apercevoir du vide, du rien, du néant qui les séparent.

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